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Aussi loin que l'on remonte dans le temps, il semblerait que faire courir des taureaux sur les places de Calvisson fut de tradition. Sur l'état des communes du Gard, où l'on avait l'habitude de faire la course du "torreau" avant l'arrêté de Mr le Préfet du 19 janvier 1941, trois village sont mentionnés : Calvisson, Nages et St Côme. Les diverse interdictions concernant cette tradition sont sans aucun doute politique. En effet elles visent moins les courses elles-mêmes que les mouvements de foule auxquels elles donnent lieu. Sans remonter si loin, un élu de Nîmes n'a t'il pas dit, il y a vingt ans, que rassembler un million de personnes à la féria de Nîmes était insensé. Les liens avec la petite Camargue ne sont sans doute pas étrangers à la renaissance de cette tradition. Il est d'ailleurs mentionné, dans "Mon village sous Louis XVè,  une ferrade au Cailar en 1754. Plusieurs propriétaire de Calvisson et nages avait des terres au Cailar. Bien que les fêtes votives et courses de taureaux soient interdites par arrêté du 06 septembre 1796, la tradition a toujours le dernier mot. Cependant toutes ses interdictions ont empêchés la diffusion, du moins écrites, de ces manifestations. Ce n'est qu'en 1811 (date du baptême du Roi de Rome), que Mr le Baron  Rolland, Préfet du Gard, demande aux Maires de renouveler les anciens usages, tels que jeux de taureaux si chers aux habitants du Midi. Cependant comme nous l'avons dit précédemment, la crainte principale de ses manifestations sont les mouvements de foule difficiles à maîtriser. Le 19 janvier 1841, Mr le Baron de Jessaint, Préfet du Gard, renouvelle donc l'interdiction. Discrètement, les courses ont cependant lieu. Le Maire de Calvisson ( Mr Auguste Maroger), en 1844, demande l'autorisation à Mr le Préfet, d'organiser, en son village, une course. Une réponse négative s'ensuit. Le Maire de Congénies est d'ailleurs réprimandé par ce même monsieur en 1850. L'année 1851 semble marquer la fin des spectacles taurins. Mais l'année suivante c'est reparti : Calvisson (Maire : Mr André Hébrard), annonce une course de taureau (le 10 septembre 1852), Congénies fait de même; nages les suit de près... Puis vint le tour de Langlade, St Dionisy, Caveirac en 1855. le cheval, omniprésent dans la région a sans aucun doute contribué à l'essor de cette tradition. Encadrant les taureaux, il est aujourd'hui indétrônable de la fête !

Nous terminerons par la réponse de la municipalité de Calvisson (Maire : Mr Émilien Rabinel), le 12 août 1911, à la menace d'interdiction des courses de taureaux : "N'oublions pas les justes protestations des défenseurs des libertés communales, la comparaison avec d'autres spectacles plus barbares et autorisés, l'attrait particulier d'un divertissement favori auquel auquel chacun est libre de ne pas assister "... Le 12 mars 1912 apparaissent les premiers portails portatifs pour ne pas nuire à la circulation. Le 26 juin 1935, les courses auront lieu "Promenade du cimetière Vieux" (actuellement place Méjean). Jusqu'à la démolition des arènes (évènement que Guy Balsan et Jean-Philippe Courtin vous expliquerons ci-dessous), les courses se déroulent sur cette place. Le 19 août 1944 lors d'une course organisée par la jeunesse calvissonnaise, les avions alliés passent au dessus de la place et bombardent les troupes allemandes qui passent sur la route nationale toute proche. hélas le lendemain, triste dimanche : Le mitraillage de la gare de Calvisson est cause de l'annulation de la course. Juin 1945 : la fête votive interrompue depuis 1939 reprend. En 1949, des gradins en bois remplacent progressivement les charrettes. Puis, comme nous le verrons un peu plus bas les arènes tubulaires voient le jour le samedi 20 juillet 1963.

 

 

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Course place du pont et vue des moulins

 

 

 

 

L'arrivée du taureau place du pont à Calvisson. Les garçons sont sur la piste et les jeunes filles attendent leurs exploits, à l'abri, sur leur véhicule à quatre roues.

 

Un siècle après, elles sont toujours là ! Le temps semble arrêté ! Certes les costumes ont changé et le véhicule s'est un peu modernisé.

       
   
  Ce jeune Vaunageol affronte le taureau sur la place.   Cent ans après, même combat ...

 

Dans la presse : Articles du Midi Libre en date des 08, 10 et 11 avril 2007

(un merci tout particulier à Guy Balsan et Jean-Philippe Courtin)

 

Quand le village avait ses arènes, souvenirs de Guy Balsan (1)


La saison de la bouvine ayant débuté, il nous a paru intéressant de faire un petit retour en arrière sur l'époque où Calvisson avait des arènes. Nous avons donc sollicité les souvenirs d'un des Calvissonnais les plus érudits sur cette question, Guy Balsan.


Guy, comment cette affaire a-t-elle commencé ? Il faut savoir qu'avant la guerre, et même après, les courses de taureaux se déroulaient sur la place du Pont. Quelques charrettes en rond, des tonneaux en guise de barricades, et « faï tirar Marius, on lâchait les fauves ! ». Certaines familles aisées louaient même des "théâtres" (des gradins en bois) qu'on allait chercher à Aigues-Vives ! Mais peu à peu, avec l'augmentation de la circulation automobile, on ne pouvait pas bloquer la place pendant la semaine entière que durait la fête ! On a donc déménagé les charrettes et les tonneaux devant le foyer communal. C'était un peu du bricolage non ? Oui, d'autant que les courses de taureaux devenaient une affaire sérieuse, et que notre "rond", même s'il était pittoresque, ne correspondait plus aux attentes, ni du public, ni des manadiers, ni des razeteurs. Alors, au début des années soixante, avec le maire de l'époque, Raymond Courtin, nous avons étudié la possibilité de réaliser un équipement taurin plus conforme à ces attentes. Il y avait plusieurs problèmes à résoudre, parmi lesquels celui de la localisation et celui du financement. Pour la localisation, plusieurs sites étaient possibles. Mais finalement, celui du foyer s'est imposé, car il bénéficiait de l'ombre de ses nombreux pins ! Cela donna d'ailleurs lieu à un épisode cocasse, car le docteur Bonnet, écologiste avant l'heure, s'étant insurgé contre l'abattage de certains arbres. Je crois me souvenir que les premières courses se déroulèrent avec un bouquet de trois pins au milieu de la piste ! Et pour le financement ? Il a fallu trouver une solution. Dans ces années, les samedis soirs étaient rythmés par l'engouement de la jeunesse pour l'orchestre "les Rémolino" ! On venait de très loin pour danser au foyer communal quand cette formation s'y produisait ! A cette occasion, le bar du foyer faisait des affaires d'or ! L'idée a donc germé d'utiliser les fonds importants perçus sur l'adjudication de ce débit de boisson pour financer ce nouvel équipement, sans trop grever le budget de la commune. Le conseil municipal ayant voté la proposition du maire, Calvisson pouvait se doter de vraies arènes.

 

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Les arènes de Calvisson en 1984

 

Histoire des arènes (2) : Les "tubes" des années soixante

 

Nous avons donc découvert avec ce vieux "bioulaïre" de Guy Balsan, comment la municipalité de Raymond Courtin avait lancé le projet de réaliser des arènes "en dur". Nous poursuivons aujourd'hui notre quête : Concrètement, la construction des nouvelles arènes, çà s'est passé comment ?

Guy Balsan : Oh ! Là là ! Çà a été de la fabrication "maison" : André Champavier, le forgeron du village, et René Rocheblave, ferronnier, se sont débrouillés pour fabriquer des gradins en tubes métalliques, avec de vraies barricades délimitant une contre piste ! On n'avait pas d'architectes en ce temps là. C'est la passion des taureaux qui dictait ses normes : par exemple que les razeteurs puissent sauter sur les gradins, en cas d'urgence, obligeait à laisser une certaine distance entre les "théâtres" (gradins en bois) et la contre piste.

Encore du bricolage ?

Mais pas du tout ! Il y avait un consensus d'aficionados. Il ne faut pas oublier qu'à ce moment-là, tout le village vibrait pour les courses de taureaux. Pendant la fête, les gradins étaient combles. D'autant que les courses étaient gratuites. sauf les courses de nuit, qui elles, organisées par la jeunesse de la classe, étaient payantes, où petits et grands se faisaient "baboucher" avec entrain. C'était l'époque où, en récupérant une anguille nageant dans un bac au milieu de la piste, avec une vachette qui tournait autour, la présidence vous accordait royalement un paquet de gauloises. On était loin d'Intervilles.   

Et pour les courses importantes ?

On a eu de bonnes courses pendant toutes ces années. L'organisation était simple : le Maire présidait la course. Moi, fort de mon expérience militaire, je sonnais l'ouverture du toril et les divers moments de la course avec ma trompette et Julien Vallat comptabilisait scrupuleusement le montant des primes gagnées, par chaque razeteur. Les éventuelles contestations se réglaient au bar du foyer. 

Qui payait ?

La mairie, bien sûr, mais c'est vrai que Gaston Lhoustau, le manadier de Calvisson assurait la plupart des courses pendant la fête, pour un prix défiant toute concurrence.    

Alors pourquoi n'y a-t-il plus d'arènes aujourd'hui ?

La réponse se trouve dans l'affaire du stade Furiani.

 

Histoire des arènes (3) : Un village de Provence sans piste

 

Furiani : nom tragique, parodiant Victor Hugo, nous pourrions dire : "Furiani,  Furiani,  Furiani,  morne plaine !" Les dix huit morts du 05 mai 1992 en Corse allaient sceller le destin des arènes calvissonnaises.

Que s'est-il passé ?

"Désormais, le sacro saint principe de précaution devait dominer la politique des municipalités en matières d'équipements publics. Le Maire de l'époque, Francis Panazza, avait donc la possibilité, soit de réaliser des aménagements destinés à la mise en conformité des arènes, ce qui fut le choix de nombreuses communes alentours, soit de tout détruire pour reconstruire en respectant des normes de sécurité extrêmement contraignantes. Quelques élus ayant fait remarquer que, "en dehors de la fête, il ne se passait pas grand chose dans les arènes" (ce qui était le cas de la plupart des arènes des villages du coin !) et que même, pour certains, ce rond en tube constituait "une véritable verrue devant leur foyer", une vague promesse de reconstruction fut censée rassurer les deux clubs taurins du village ( le Bouchar et le Duc) et la jeunesse. Comme rien ne fut fait, à part la démolition, les municipalités suivantes héritèrent du dossier. Très circonspectes sur l'affaire, compte tenu de son coût estimé, elles laissèrent les choses en l'état et le village se trouve aujourd'hui dépourvu d'arènes dignes de ce nom. D'après certaines informations, il semble que la construction en dur ayant paru trop coûteuse, la municipalité Cubry avait imaginé des arènes démontables. Un emplacement avait même été envisagé. Elle l'a finalement dévolu à la petite enfance, les jeunes, les cafetiers et les clubs taurins ayant, semble-t-il, trouvé cette localisation trop éloignée du centre du village. "La vraie question, c'est que les nouveaux calvissonnais sont peut-être plus sensible à la création de la halle aux sports, de la Voie Verte et de la médiathèque qu'à la construction d'un lieu où s'exprimeraient les traditions centenaires du village. Dès lors, de nouvelles arènes à Calvisson, un rêve ? Après tout, et si l'esprit du Marquis de Baroncelli soufflait de nouveau ? Et si la bouvine à Calvisson n'avait pas dit son dernier mot !"